Institut Supérieur des Beaux-Arts de Besançon
Conférence // Kendell Geers

MERCREDI 11 FÉVRIER 2009, 17H00.
Auditorium.

http://www.kendellgeers.com

Kendell Geers, qui vit aujourd’hui à Bruxelles, a choisi de modifier certains éléments de
sa vie, rendant sa biographie complexe. A l’âge de seize ans, Jacobus Hermanus Pieter Geers remplace son nom de naissance pour prendre celui de Kendell Geers, masquant ainsi son identité d’afrikaaner originaire de Hollande. Cette première modification sera suivie certain nombre d’autres, visant à redéfinir son identité et plaçant sa propre vie sous le signe de la rébellion.

En 1983, Kendell Geers falsifie sa date de naissance qu’il situe désormais en mai 1968. En choisissant cette date aussi célèbre, il fait coïncider l’histoire collective avec son histoire personnelle. Les révoltes étudiantes (en France, aux États-Unis, en Amérique centrale), la mort de Marcel Duchamp et de Martin Luther King sont autant d’événements datant de 1968que l’artiste semble revendiquer comme des éléments fondateurs.

Dans la même perspective, avec T.W. (curriculum vitae), Kendell Geers réécrit son CV à partir d’une sélection de faits historiques. En enchevêtrant son histoire à celle du monde, il souligne l’importance du contexte social, culturel et politique, dans sa vie d’artiste.
En 1989, refusant de servir dans la Force de défense sud- africaine, Geers se voit contraint de fuir aux États-Unis. À New York, il devient l’assistant de Richard Prince, lui-même déjà engagé dans la subversion des codes de la société WASP (White Anglo Saxon Protestant). Il retourne à Johannesburg en 1990, avant d’en partir définitivement dix ans plus tard.
Archétype d’une génération d’artistes engagés dans les années 1990, Kendell Geers est passé, depuis le début de la décennie, d’un art résolument ancré dans les problématiques activistes à un travail de manipulation iconique des situations de crise sociale, idéologique ou politique, poussant toujours le spectateur à un trouble et à un questionnement.
Kendell Geers interroge les pulsions destructrices de l’homme dans un monde où les notions de bien et de mal sont, selon lui, dépassées. Il affirme que l’art peut avoir des conséquences sur la société.

Kendell Geers explore avec force l’effondrement des systèmes de croyance et des idéologies en utilisant tous les matériaux possibles : des images pornographiques, mais aussi des figures emblématiques de l’Histoire de l’art (telle que la Victoire de Samothrace) ou de l’Histoire des religions repeintes avec le motif Fuck, en passant par des installations faites de fils de fer barbelés ou de matraques. Il explore ainsi en permanence les limitessociales, pour les interpréter sous une forme artistique très personnelle. Il s’inscrit, enfin, plus globalement, dans la vie même, dans ses éclats et ses parts d’ombre, dans cette « beauté dangereuse » qu’il recherche dans ses propres expériences et qu’il place bien avant l’art.

Sa démarche artistique se caractérise par la multiplicité des médiums et la cohérence d’ensemble. Kendell Geers se définit comme un « terroriste » dans le champ de l’art et revendique la nécessité de prendre position. Il explore et critique notre monde de manière frontale en mettant en garde contre l’aliénation que peuvent engendrer les objets, les images et les situations de notre quotidien. Ce positionnement critique ne repose pas sur une vision manichéenne mais sur une mise en doute répétée des principes de bien et de mal et sur l’affirmation de leur possible réversibilité. Centré sur des problématiques morales ou politiques, Kendell Geers s’interroge sur le contexte de l’art, ses modes et ses effets, sur l’institution et ses acteurs.

Chez Kendell Geers, le choc, la violence et la controverse sont des matériaux au même titre que l’encre de Chine, les statuettes africaines emballées de ruban de signalisation rouge et blanc ou les tessons de verre figés dans des blocs de béton. En aucun cas, cependant, ces matériaux ne constituent une fin en soi.
Avec un art conscient des choses du monde, Geers n’entend pas imposer ses vues personnelles mais placer le spectateur devant ses propres choix.

C’est, comme souvent chez Kendell Geers, son extrême simplicité qui donne à l’œuvre son efficacité. La sobriété et l’impact de ses œuvres ne doivent cependant pas masquer le degré d’humour et de poésie instillé dans l’oeuvre qui nuance son apparente brutalité.
Sensible à l’ironie de l’allusion sexuelle, Kendell Geers a fait également de l’érotisme une base de son travail au même plan que la violence ou l’humour.

Créer et détruire, expérimenter les limites et les tabous, explorer les mystères de la vie et de la mort par la sexualité et l’érotisme, revisiter les rituels, telle est l’oeuvre
de Kendell Geers, qui dépasse de loin les conditions biographiques qui ont entouré sa naissance et ses premières 7 années en Afrique du Sud, marquées par l’Apartheid.


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