Institut Supérieur des Beaux-Arts de Besançon
Exposition // Laissons la peur du rouge aux bêtes à cornes // Joël Desbouiges
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DU JEUDI 2 OCTOBRE AU VENDREDI 21 NOVEMBRE 2014.
Grande Galerie.
Vernissage le jeudi 2 octobre à 18h30.

Table ronde avec l’artiste accompagné de Frédérique Verlinden, conservateur en chef , Musée des Hautes Alpes à Gap et animée par Laurent Devèze à 17h30, Auditorium.

http://www.desbouiges.com

Joël Desbouiges :
"Né en 1950 en Haute Vienne à Mailhac sur Benaize, en Octobre 1967 je rentre à l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs de Limoges.
Sans le savoir, et le connaissant seulement pour l’avoir croisé lors du concours d’entrée, Claude Viallat fait lui aussi ses débuts dans sa nouvelle Ecole , il est juste arrivé du sud de la France.
Sept mois plus tard c’est Mai 68 et de nombreuses prises de conscience. Dès lors, je sais, et sans doute pour longtemps, que mes peintures seront porteuses de messages .
La semaine je suis le cours de dessin de Viallat , c’est un véritable bonheur de croiser son regard et dans l’atelier l’ombre de Matisse plane. Le week-end je suis attentif aux peintures des Malassis, principalement à celles de Henri Cueco, mais je suis critique devant la permanente actualité de leurs images/prétextes.
Dés la seconde année, dans une totale liberté de travail, les grands formats s’imposent dans mes recherches picturales, ce sera la naissance d’une série déterminante :‘’Personnages/Violence’’( plus de 200 toiles de 200x300cm). J’emprunte à Support Surface le support toile libre non tendue sur châssis et les colorants afin d’essayer de dénoncer *‘’ la violence dans laquelle se débat intemporellement notre société, chaque toile est en soi l’image qu’elle porte, une suite,ou un fragment dans une continuité’.
Très sensible aux recherches des Dadaïstes, dés 1968 je regarde les peintures de Willem de Kooning, Antonio Saura,Jean Paul Riopelle, Robert Motherwell,Meret Oppenheim, Gérard Gasiorowski et Ellworth Kelly.
Limoges est alors une place incontournable de l’Art où je rencontre tous les acteurs de l’Art Vivant. En plus de la très discrète présence de Raoul Hausmann, autour de Claude Viallat se créent des groupes de jeunes artistes qui partagent et échangent avec les créateurs des autres provinces françaises ( Nice, Perpignan, Toulouse…) . Nous exposons partout , tout semble simple, pas de permission à demander, pas d’institution à flatter. On débat, on progresse, on voyage, on expose tous ensemble. Les artistes de Support Surface m’invitent, sans pour autant participer à ce mouvement, ce sont ces chemins indirects et cette fréquentation qui marqueront l’évolution de mes recherches.
Après cinq années passées à l’ENAD , j’obtiens mon Diplôme National des Beaux Arts, nous sommes en 1972 , l’année où Claude Viallat quitte Limoges.
Essayant de faire cohabiter l’expressionnisme et un sens de l’épure dès ce mois d’octobre j’installe mon atelier dans la campagne Limousine,( j’ai toujours travaillé dans un village, Limousin, Auvergne, et depuis 1990 à Purgerot en Haute saône ), en janvier 1976 je suis nommé professeur aux Beaux Arts de Caen, ( Caen 1976-1980, Clermont Ferrand 1980-1990 et Besançon 1990-2013)
Aujourd’hui je continue de voyager à travers la peinture, la photographie, le dessin ,les installations et la création d’objets, mon atelier vous reste ouvert ..."

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EXTRAITS de "DESBOIS DESBOUIGES"
Par Alain Kerlan, 2011

Me voilà aujourd’hui de retour à l’atelier de Joël Desbouiges, et face aux œuvres élaborées à la charnière de la seconde décennie du 21ème siècle. Je n’ai cessé de songer à ce moment là, tout au long de ma route vallonnée dans la campagne haut-saônoise, et les mouvements même de la route, ces basculements ouvrant et refermant l’espace, ciel et champs, forêts et labours, au gré de la pente des collines, cette chorégraphie à l’échelle du paysage, je les ai vécus comme une sorte d’anticipation de ce que serait cette fois encore l’espace de l’atelier. Et voici en effet qu’à présent, sur le grand mur blanc du fond de l’atelier, Joël Desbouiges dispose un à un quelques-unes des Terres Partagées, série en hommage à Jean-Paul Riopelle, dont les chassis irréguliers surmontés de bois de cerfs polychromes dessinent leur géométrie contrariée sous les arborescences vigoureusement colorées des grands bois ; voici qu’il fait place nette et porte à bout de bras les Uropyges dont la toile tendue frissonne encore un peu du mouvement qui leur a été donné avant de s’offrir côte à côte au regard des visiteurs. Voici encore que le peintre assemble méticuleusement les vingt-huit petits châssis toilés de L’impossible oubli, vingt-huit frêles profils animaux couleurs d’automne, et chacun revêtu d’un petit bois de cerf tout de blanc peint, et voici que se dépose au bout de ses gestes attentifs sur le mur d’exposition les pièces d’une partition, aérienne et colorée, légère et à peine mouvante sous les courtes ombres ondoyantes que projette et mêle la lumière de l’atelier tombant sur les bois s’effaçant dans leur blancheur. Une aria, dirait peut-être un musicien.
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Pendant les travaux, l’art moderne continue

Un Atelier comme celui-ci, constamment réouvert et interrogé, et comme en précaire équilibre sur un fil tendu au-dessus des mouvances de l’art d’aujourd’hui, ne va pas sans produire comme de grands courts-circuits dans la relation que nous entretenons avec l’histoire de l’art. Le visiteur y est projeté des gestes inauguraux de la peinture pariétale, dont l’image-magie habite encore la série des Massacres, où la figure animale semble venir d’un autre fond et d’un autre âge, aux gestes radicaux à la façon d’un Duchamp inscrits dans ces œuvres où le mot crée la chose, comme dans ce littéral Fagot de bois, ou encore ce Narcisse empeluché qui se donne comme un hommage au Caravage ; il doit franchir d’un bond l’espace-temps qui sépare l’enclos sacré des frêles châssis de L’impossible oubli – on voudrait presque les découvrir dans une lumière rasante qui les donnerait à voir pour la première fois – de ce littéral jeu de massacres qu’est la série des Têtes couronnées que l’on mérite, où se conjuguent allègrement détournement d’objets et parodie kitsch, dans un improbable conceptualisme, constamment démenti par la passion du bric-à-brac et la jubilation de la brocante qui donnent à l’œuvre une autre distance ironique.
Dans son entretien avec Laurent Devèze, Joël Desbouiges le déclarait expressément : Dès lors que l’artiste contemporain entre dans l’arène de l’histoire de l’art – ce qui est désormais son défi quotidien – « il n’y a pas de chronologie rigide ni de hiérarchie, seules les réponses aux questions posées font autorité ». Et il ajoute : « Dans mon atelier, je convoque autour de moi tous les siècles disponibles, toutes les expériences, tous les mouvements, l’art dit contemporain n’ayant aucune priorité, aucun privilège ». Je veux bien le croire et suis disposé à le suivre. Je ne peux m’empêcher néanmoins de m’interroger : comment le peintre d’aujourd’hui fait-il pour tenir, tout simplement, tenir dans sa foi picturale, dans cette voie ontologique, cette percée vers le monde qui pour lui passe par la peinture, face aux développements de l’art contemporain ? Face aux installations, à l’effacement des frontières entre l’art et les médias, face à l’hégémonie croissante des nouvelles images ? Peut-être en revenant « aux questions posées » ? Celles qui interrogent et continuent d’interroger par exemple la ligne et la trace : Des oeuvres comme celle de la série Uropyge relèvent bien de cette méditation là. Se référant notamment à cette série dans ce même entretien, Joël Desbouiges nous propose cette clé de lecture : « J’essaie de comprendre ce qui se passe quand le dessin, peut-être sous la forme d’écriture, se retrouve à agir comme peinture ayant perdu son sujet ». Je l’entends pour ma part doublement. Comme le constat qu’impose inéluctablement l’histoire de l’art à tout artiste plasticien, la disparition du sujet, et qui l’enjoint en permanence d’y faire face. Mais aussi comme la persistance, aujourd’hui encore, même s’il faut creuser plus profond pour la ressaisir, d’une fonction ontologique et mémoriale de l’image, du dessin, de l’apparence comme apparition, comme convocation, telle que l’exprimait la légende grecque : la légende qui raconte comment une jeune fille amoureuse avait, pour la première fois, entrepris de graver sur un mur le profil, projeté au flambeau, de son fiancée partant au combat. On aime aujourd’hui à se dire que cette jeune fille ignorait que les peintres de la préhistoire, la devançant, avaient de même évoqué, sur les parois de leurs abris, les silhouettes des cerfs et des bisons.
On trouve dans la production plastique de Joêl Desbouiges des oeuvres poursuivant jusqu’à l’épure formelle la puissance précaire d’une ligne désormais en quête du sujet disparu. Elles ont été souvent réservées à l’intimité des papiers, et leur élaboration à la pièce plus intime et recluse de l’atelier, dans laquelle le peintre aime à poursuivre cette recherche. Elles ont aussi régulièrement gagné l’ampleur de la toile et du grand format. Il en est d’autres où les deux façons d’interroger le dessin et la ligne, en l’absence du sujet et de l’effacement de l’image, trouvent à se conjuguer. Dans la série Uropyge, dans la série Blackwater, où la ligne se fait tableau, et plus encore dans la série Ame seule, ultime aboutissement des Resserres où le spectateur doit faire face à d’authentiques Vanités contemporaines.
Les œuvres les plus récentes semblent prises d’une sorte de jubilation dans la façon dont elles s’emparent des procédures de l’art contemporain. On dirait qu’elles prennent un malin plaisir à les recycler : tout pourrait y trouver place, du kitch ostensible à l’objet réel, détourné ou même littéral – comme cet oiseau empaillé échoué sur une toile et pesant de tout le poids réel de la peinture –, de la proposition quasi-conceptuelle qui du mot fait œuvre à ces vitrines qui ne peuvent manquer d’évoquer les années 60 et leurs collections fétiches. Oui, c’est bien de recyclage qu’il s’agit, mais qui inverse en quelque sorte le recyclage auquel se livrent l’art contemporain et l’esthétique postmoderne. Là où l’art contemporain prétend en avoir fini avec l’art moderne et la peinture, l’usage et les citations qu’en font ces dernières œuvres ont au contraire pour effet de le relancer. Interroger à nouveau et à nouveaux frais la ligne, le support dans tous ces états, l’image, la trace, le tableau. Le sujet. Non pas dans l’isolement et le repli, mais dans l’ouverture et la confrontation. Contre, tout contre. Avec Desbouiges, l’art moderne continue et la peinture se relance non pas en dépit, mais au sein même de la vitrine contemporaine. La peinture, nevertheless.

Jeu de moi jeu de mots jeu de bois

N’est-ce pas à ce tissage inversé et facétieux de la modernité et de la contemporanéité qu’appartient la série du Paysage idiot ? Le peintre s’en explique lui-même, puisqu’ici, usant d’un procédé familier à l’art contemporain, le commentaire de l’œuvre ne se dissocie pas de l’œuvre elle-même. Vous savez donc que ces photographies retrouvées lors d’un séjour à la maison familiale furent « l’œuvre » du petit Desbouiges, à 14 ans, entre enfance et adolescence. Et vous voilà face à un musée personnel, une écriture du moi, retournant ironiquement l’introspection en projection, retenant la confession et la mémoire sous la surface, l’automatisme et l’instantané d’un cliché. Ces jeux du moi, si l’on veut bien les appeler ainsi, et dont on trouverait d’autres figurations dans le travail de l’artiste, touchent de près aux jeux de mots. Chacun sait que les jeux de l’enfance n’en sont pas moins jeux sérieux. Qu’il s’agisse de jeux avec soi-même, avec les choses ou avec les mots. Bien souvent les titres que Joël Desbouiges donnent à ses œuvres sont comme des mots devenus étranges et étrangers à force de se les répéter, comme nous le faisions dans notre enfance. Qui, enfant, n’a jamais joué à ce jeu là : répéter, répéter à satiété un mot, le répéter encore, jusqu’à l’évanouissement de son évidence et de sa familiarité, et l’apparition d’un vocable purement sonore, profond d’un sens mystérieux, et qui semble douter du sens lui-même ? J’entends comme un écho de ce jeu dans ce jeu de mots littéral d’une œuvre intitulée Fagot de bois. Comme si à force de le répéter à la frontière du mot et de la chose ce vocable là nous en ferait voir de toutes les couleurs, dès lors qu’on est peintre. Jeu de mots jeu de bois. Je l’entends aussi dans ces titres qui ont les allures d’une bien étrange taxonomie : Uripyge, Anacoluthe, et même dans ce Resserre faussement familier.

Une relation particulière à la langue, à l’univers des signes linguistiques, que travaille une interrogation latente ou explicite des liens entre les mots et les images, habite depuis toujours le travail de Joël Desbouiges. Elle est déjà là dès les Personnages-violence, inscrite dans la syntaxe singulière de ce titre. Le compagnonnage poétique que le peintre affectionne demeure celui de des écrivains qui orchestrent « la multiplicité des sens et des mutations sonores »1, et nourrissent son obsession du sens. La première vertu de la langue dès lors qu’on lui redonne du jeu est peut-être de nous permettre de se défaire des slogans et des clichés où s’enlisent les mots de la tribu. En les retournant contre eux-mêmes, tout simplement. L a percée soudaine du sens les fait entendre tout autrement, quand Droit de passage rime avec le détournement d’un panneau de signalisation, quand Quota fait glisser l’une après l’autre les boules d’un boulier. Quand Identité nationale, tombé de la Bouche d’ombre ministérielle, donne soudain à une série photographique la force et l’évidence d’une réplique politique définitive, et que les moutons de la fable plastique en remontrent aux moutons que nous sommes.

L’image. Qu’est-ce qu’une image (d’art) ?

La photographie
Il faudra bien d’ailleurs un jour s’interroger plus avant sur la place qu’occupe la photographie dans l’œuvre picturale de Joël Desbouiges, et sur le rôle qu’elle y joue. A côté, dedans, contre, avec ?

Alain Kerlan 2011.
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Artiste reconnu ses œuvres ont été présentées dans de nombreuses expositions collectives et personnelles depuis 1969 , en France et à l’étranger.L’une des plus récentes (2012) a occupé, sous le titre ‘’ Métaphores ‘’ la totalité du second étage(185 pièces présentées, peintures, dessins, objets, photographies)) du Musée Muséum Départemental des Hautes Alpes à Gap :

Extrait de "Métaphores", 2012
Frédérique Verlinden , conservateur en chef , Musée des Hautes Alpes à Gap :

"Avec lucidité , Joël Desbouiges fuit les dupeurs
Il façonne une pensée parfois désabusée des hommes et de la société actuelle.
Il place sa démarche artistique au cœur de nos fondements collectifs.
Il déstabilise les idées reçues sans tout remettre en question.
Il sait qu’aller droit au but est une chose impossible. Alors il progresse par séries où il exerce un œil malicieux.
Jamais rassasié,il établit un dialogue subtil,nous embarque dans son œuvre sans la moindre restriction, y impulse une vibration intérieure teintée d’une interrogation sans fin.
Une évidence sous-entend sa vision poétique et la rigueur de son esprit critique:le temps n’est pas un rongeur.
Réfléchissons à titre individuel puis collectif à ce qui nous pousse à aller plus loin et plus vite et immergeons nous dans cette réalité pour questionner les vanités individuelles et l’absurdité de cette société."

Frédérique Verlinden.

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Plusieurs ouvrages lui ont été consacrés dont, "Desbouiges 1972-1994", éditions Fragments, "Anacoluthes 1996-2001" éditions "le 19", "La plume du peintre" 2005 , musée ville Limoges, "Resserres" 2004-2005 C G Haute-Saône, et ‘’Métaphores’’ 2012, musée de Gap.
.Joel Desbouiges a réalisé de nombreux livres d’artistes dont , ‘’ Bleu Blanc Rouge ‘’ en 1975 texte de Georges Chatain, ‘’Jeux de dames’’1985, texte de Alexandre Bonnier, ‘’Six jours sur le Tour,1991 , texte de Christian Prigent , ‘’Mémoires d’arbres’’ 2000,texte de Cathy Chamagne,’’ Anacoluthes’’ 2005, texte de Pierre Courtaud ,’’ Après Rembrandt ‘’ 2007 texte de Eric Clémens, ‘’Phallus et Morilles’’ 2010 texte de Jean Pierre Verheggen, ‘’ La recette du gigot farci’’ 2011, texte de Laurent Devèze , ‘’Viatique’’Textes de Ali Podrimja’éditions Fonden cre 2013 et ‘’ Wazos ‘’texte de Jean Pierre Verheggen sortira en 2014.

Les dessins, peintures, objets ou photographies de Joël Desbouiges sont en permanence visibles à la Galerie Brun-Léglise( 75007,Paris).
Retrouvez-le sur son site : www.desbouiges.com ou dans son atelier .

En 2014 l’expo ‘’ Limoges 1970’’ à la Galerie ARTSET fut l’occasion de ressortir des toiles libres des annés 70 ‘’ Personnages /violences ‘’ (200x300cm), en septembre il y a l’expo ‘’Après Métaphores’’ à l’Espace Joël Michel à Brasles-Château Thierry, en octobre l’expo ‘’ Laissons la peur du rouge aux bêtes à cornes’’ à l’Institut Supérieur des Beaux Arts de Besançon et en Novembre la série de 14 Digigraphies‘’ Paysage de suie’’(60x90cm) sera présentée au Musée Muséum d’Art de GAP.


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