Institut Supérieur des Beaux-Arts de Besançon
Exposition // 14.
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DU JEUDI 6 NOVEMBRE AU DIMANCHE 21 DÉCEMBRE 2014
Chapelle des Pénitents Bleus, Narbonne.
Vernissage le mercredi 5 novembre à 18H30.

Commissariat : Laurent Devèze / Julien Cadoret, en résonance avec Les pluies de printemps ne reviendront plus, un roman de Jean-Jacques Gil.

Artistes :
Arthur Babel, Adrien Chevrier, Maureen Colomar, Gérald Colomb, Thomas Fontaine, Fabien Guillermont, Antonin Lagarde et Jérôme Vaspard.

La Première Guerre mondiale est certes un événement sanglant et meurtrier mais on ne peut pourtant le dissocier de l’avant-garde visuelle. Horizon, repoussoir, ou épreuve fondatrice, 14-18 dessine dans le creux de ses tranchées l’avenir d’un art qui ne sera plus jamais « comme avant ».
Enfin, cette guerre entretient dans l’imaginaire contemporain un palimpseste qui mêle volontiers les « gueules cassées » d’Otto Dix, les vociférations lyriques de Marinetti, les délires de dada, l’urinoir 1917 de Duchamp, le bras manquant de Blaise Cendrars, quand on n’évoque pas purement et simplement, enjambant les générations, Les Sentiers de la gloire de Stanley Kubrick...
Source d’images inépuisables, tour à tour archives de la souffrance humaine ou creuset de toute notre modernité, « la guerre de 14 » n’en finit pas de se donner à voir. Aussi nous a t-il semblé finalement pertinent d’offrir à de jeunes créateurs plasticiens l’opportunité de produire des œuvres originales ou d’inscrire celles déjà produites dans un ensemble cohérent. Après tout, la Première Guerre mondiale fut aussi en France responsable de la commande publique telle que nous la connaissons aujourd’hui, si l’on veut bien voir la terrible floraison des monuments aux morts dans chaque ville et village de France comme les premiers pas de la République dans ce domaine.

Toutefois, il fallait une rencontre, une occasion pour se distancier suffisamment des dangers de l’illustration. Force est de constater que le roman de Jean-Jacques Gil, Les pluies de printemps ne reviendront plus, a pu jouer ce rôle de catalyseur et de fédérateur d’énergies.

Ce curieux « roman » qui procède comme par aphorismes, a donc choisi d’être « publié » (comprenez « rendu public ») comme un catalogue d’exposition ; comme un support écrit d’œuvres visuelles qui les situe dans un horizon plus large et permet de les éclairer.

Ceci étant, la comparaison n’est que métaphorique car rien dans ce livre, ne « commente » stricto sensu les œuvres exposées, il s’agit plutôt d’une rencontre entre une fiction documentée et des œuvres contemporaines qui à proprement parler résonnent toutes ensemble au seul nom de « 14. ». Espérons qu’elles raisonnent aussi.

Il faudrait donc laisser libre cours à ces multiples lectures subjectives et formelles de ce conflit devenu forcément imaginaire puisque plus aucun poilu ne saurait aujourd’hui témoigner directement. « La guerre de 14 » est devenue certes un sujet d’historien mais aussi, dans un même mouvement, un sujet d’épopée voire de mythes, ou du moins d’appropriation intime et de souvenirs familiaux et collectifs qui se trouvent étroitement mêlés.

En bref, il nous faut sans doute courir le risque de l’interprétation artistique subjective si l’on veut enfin faire authentiquement de la célébration de ce centenaire une mémoire vive.
Plus encore, les premières années du siècle furent celles des grandes révolutions intellectuelles qui mettront à mal ce qu’on pourrait appeler les certitudes de la raison triomphante : la théorie de la relativité, la psychanalyse, les sciences sociales et humaines (de la linguistique ou de la sociologie à l’histoire), « bousculent » le rêve comtien d’une science stable aux résultats éternels. Or ce « soupçon » pour parler comme Paul Ricoeur n’en finit pas aujourd’hui encore de renvoyer à la nostalgie les anciens mondes des savoirs rassurants.
Bataille (ce nom... quelle lecture lacanienne pour notre projet !) et ses œuvres ont remplacé le Catéchisme positiviste ; or, les jeunes créateurs à l’œuvre aujourd’hui sont aussi les fils de ces tranchées-là.
« 14. » se présente donc comme la rencontre d’un roman avec des œuvres qui se répondent sans s’illustrer jamais, comme ces lumières qui signalaient, me disait mon grand père, les bivouacs improvisés, ça et là, dans le vaste univers de boue et qui dans le dérisoire de ces petits feux prouvaient néanmoins encore que l’homme était possible au-delà des haines et des affrontements dans le fragile espoir d’un café chaud.

L.D.


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