Institut Supérieur des Beaux-Arts de Besançon
Publication // Simplon Express // Revenir à Zagreb

Simplon Express – Revenir à Zagreb
2016-2018

Les 12, 13 et 14 juin 1989, quelques mois avant la chute du mur de Berlin et l’ouverture des frontières du bloc de l’Est, La Galerie des Locataires fondée en 1972 par Ida Biard organisait un voyage dans le Simplon-Express, train qui traversait alors l’Europe de Paris à Zagreb (via Dole-Lausanne-Milan). Ce train n’existe plus mais le parcours qu’il empruntait en passant par la France, la Suisse, l’Italie et aujourd’hui la Slovénie et la Croatie nous renvoie à l’histoire européenne. Europe qui, après la courte période d’euphorie post-1989, fut en effet trop vite assombrie par la guerre en ex-Yougoslavie qui débuta en 1991 et morcela le pays entraînant l’arrêt du Simplon-Express.
Cette traversée a intéressé l’équipe de recherche Contrat Social de l’ISBA composée de l’historienne de l’art Stéphanie Jamet, de l’artiste Géraldine Pastor Lloret et de cinq étudiants-chercheurs, Alexandra Guffroy, Ronan Querrec, Juliette Buschini, Alexandre Jouffroy et Mélio Lannuzel. Non seulement parce qu’elle ravivait ce voyage artistique mais aussi pour ce qu’elle montrait du visage de l’Europe actuelle, ses fronts et ses frontières. Refaire le trajet de ce train du 19 au 25 novembre 2016 n’avait donc rien de nostalgique, c’était au contraire une prise de conscience pour une interrogation de l’identité européenne.

L’auto-représentation comme acte politique fut ainsi le principe moteur de notre recherche. Soit ce qui pousse l’artiste au dialogue avec les autres, à un échange humain pour que chacun réfléchisse à l’image qu’il a ou veut donner en dehors des clichés et des stéréotypes. Soit également une attitude critique vis-à-vis de la notion d’auteur par un projet collectif.
Le contexte du train a participé de cette réflexion parce qu’il est un espace social ouvert où les rencontres avec des personnes étrangères sont encore possibles en outre du fait de la durée, des arrêts, voire des changements nécessaires. Le voyage en train invite également à un autre rapport au temps, le hors temps de la dé-production.

À travers les multiples trains empruntés donc, les paysages dévisagés, les personnes rencontrées, les discussions amorcées, les lectures partagées dont Oublier, trahir puis disparaître de Camille de Toledo, à travers nos regards respectifs, yeux ouverts ou fermés, posés sur chacun d’entre nous, nous avons ainsi rassemblé nos points de vue, nos narrations, nos histoires. Nous les avons confrontées ou rapprochées, selon, de celles des étudiants-artistes de l’Académie des Beaux-Arts de Zagreb et ce grâce à l’étroite collaboration de Leonida Kovac, professeur et théoricienne. Écouter, regarder, comprendre ce qu’ils avaient à nous dire, ce qu’ils avaient vécu ou non. Notre voyage en tant que collectif avait en effet aussi pour dessein de rencontrer d’autres collectifs d’artistes.

Il en découle une mise en commun dans un récit construit sur Framapad intégralement reproduit dans la publication bilingue français anglais Simplon-Express - Revenir à Zagreb et accompagné de textes critiques de Stéphanie Jamet et de Leonida Kovac. Cette narration poétique et métaphorique qui constitue la mémoire de ce périple a été découpée puis montée selon un principe proche du cut-up par Alexandra Guffroy et Ronan Querrec. Elle donne le ton à la structure et au titre volontairement énigmatiques du film-trace : Je ne suis pas superstitieuse mais je crois au signe. Esquisse de ce qui apparaît telle une auto-représentation collective en creux.

Il s’agit donc de notre réponse tournée vers l’avenir et qui ne cache pas sa nature utopique ainsi que l’ensemble des recherches poursuivies dans le cadre de l’unité Fronts & Frontières de l’ISBA. Cette réflexion sur l’auto-représentation et ses extensions nous apparaît tel le moyen aujourd’hui de comprendre les enjeux et crispations identitaires auxquels nous sommes confrontés mais aussi les attitudes poussant à se refermer. En observant une mobilité physique qui va de pair avec celle de l’esprit, l’équipe du pôle de recherche Contrat Social continue de regarder ailleurs pour comprendre, construire et penser par l’art ici et maintenant.


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