LIVRET DE L'ÉTUDIANT 2017 / 2018

Depuis la création de l’ISBA et grâce aux efforts de la professeur détachée sur cette tâche, Stéphanie Jamet-Chavigny, chercheur-enseignante en histoire de l’art, et à l’ensemble de l’équipe pédagogique, il nous a été possible de poursuivre une véritable structuration autour d’une unité de recherche aujourd’hui reconnue par tous comme « agora opérationnelle » appelée Fronts & Frontières. L’emprunt à Michel Foucher le géographe et diplomate bien connu étant parfaitement assumé tant ce groupement de créateurs et chercheurs s’interroge autant sur les limites des disciplines que sur la résonance artistique des conflits géopolitiques. L’unité de recherche de l’ISBA Fronts & Frontières a ainsi réussi à fédérer trois lignes de recherche/création qui s’entrecroisent souvent et que nous avions authentifiées au cours des années écoulées non seulement grâce aux spécialités de nos artistes-chercheurs, mais aussi grâce à un réseau de partenaires académiques ou culturels de haut niveau qui nous accompagnent dans ces réflexions de structuration.
La ligne « Corps de l’artiste », qui traite essentiellement des formes de la performance, de l’art action et de la poésie sonore dans leur héritage historique contemporain, émerge conceptuellement de deux manières dans l’unité :

– Soit en se focalisant sur le rôle de contestation politique que la revendication du corps porte en elle et ce y compris dans des régions du monde comme l’Espagne ou la Grèce chez qui la «  crise » a trouvé de vraies réponses corporelles devant elle. Bartolomeo Ferrando, Professeur des Universités et créateur à l’Université de Valence, Démosthène Agrafiotis Professeur émérite de l’Université polytechnique nationale d’Athènes, Andréas Pashias fondateur du groupe de recherche Epitélésis ou encore Antoine Pickels artiste-enseignant à l’Ecole nationale supérieur des art visuels de La Cambre à Bruxelles figurent parmi nos interlocuteurs réguliers. Le groupe « art action building » cœur du dispositif et animé par Michel Collet et Valentine Verhaeghe génère également une énergie créatrice parmi les étudiants et nous permet d’être présents aussi dans un dialogue transatlantique avec l’Emily Harvey Foundation de New York et l’Université de Québec de Montréal en lien avec l’Institut de recherche/création en arts et technologies médiatiques (Hexagram), le laboratoire animé par Eric Létourneau, professeur.

– Soit en développant la porosité disciplinaire qui offre à la performance ou à l’art action d’accompagner les créations en arts vivants (musique, danse et théâtre). Nous avons ainsi développé un partenariat privilégié avec le laboratoire d’esthétique du geste de l’Université de Franche-Comté co-dirigés par Guy Freixe, Professeur des Universités, et Aurore Desprès, Maître de Conférences qui regroupe également le Centre chorégraphique national de Franche-Comté à Belfort, le Centre dramatique national et le Conservatoire. Au sein de l’équipe pédagogique de l’ISBA, les apports de Rémy Yadan dans son dialogue conceptuel avec la danse ou le théâtre comme ceux de Daniele Balit portant sur les recherches sonores, spécialité affiché du Fonds Régional d’Art Contemporain situé avec le Conservatoire dans « la Cité des Arts » pensé par l’architecte Kengo Kuma, sont de ce point de vue également essentiels.
La ligne « Contrat Social » est tout entière née de cette réflexion autour de Fronts & Frontières et en est, pour ainsi dire, à l’origine. En effet, c’est cette ligne qui a interrogé le rôle de concept opératoire, voire de paradigme que pouvaient revêtir les luttes ouvrières bisontines dans les « printemps arabes » et qui, entre autres, avec l’HEAD de Genève et l’artiste Bruno Serralongue, l’ENSAV de la Cambre ainsi que l’Université Paris 1 - Panthéon Sorbonne et Frank Georgi, Maître de conférences du Centre d’Histoire Sociale du XXe siècle ont donné lieu à diverses productions scientifiques de nature complémentaire. La publication du numéro spécial de la revue de la recherche de l’ISBA « D’Ailleurs » rassemble les actes des colloques organisés avec la complicité de la Cinémathèque de Tanger et de la Saline Royale d’Arc et Senans. Ce second symposium posait l’ambigüe notion de travail. Le tout publié en contrepoint d’une exposition intitulée « Puisqu’on vous dit que c’est possible », reprise d’une parole ouvrière de Lip citée par Chris Marker. Autant dire que pour cette ligne, Fronts & Frontières interroge le monde dans ses soubresauts politiques, économiques et sociaux, en tentant de mesurer rôles et impacts que l’art peut avoir au cœur même des tumultes ou dans la construction de leur mémoire collective.

Or, ce dernier point, évoquant la difficile question des archives (question qui rejoint la trace du geste au demeurant), est le terrain de recherche particulier de Philippe Terrier-Hermann face à l’appropriation collective de son histoire récente par le Maghreb, aidé en cela par la Fondation Arabe pour l’Image, le Musée Nicéphore-Nièpce de Chalon ou encore la Cinémathèque de Tanger et les écoles d’art de Tétouan ou prochainement d’Alger. Disons qu’il s’agit moins par cette ligne de réfléchir à l’engagement de l’artiste qu’à sa « situation » au sens sartrien : la place qu’il occupe et les interactions qu’il peut générer par son œuvre avec l’événement considéré.
« Imprimer », quant à elle, est une ligne très orientée vers le graphisme et qui rejoint l’unité Fronts & Frontières sur deux aspects essentiels : La remise en cause des frontières disciplinaires tenant compte de deux extrêmes, celle de l’artisan d’art et de la confection de livres d’artistes tel le travail poursuivi par Didier Mutel ou Thomas Bizzarri, et celle des formes les plus modernes de la création graphique, celle-là même qui interroge la définition des arts puisque touchant aussi bien à des réalisations en céramique qu’à la création de volumes, les toutes liées aux questions de l’exposition (Flag designers par exemple). Mais plus encore que ces problématiques des rivages de l’art graphique, il s’agit aussi, rejoignant « Contrat social », voire même « Corps de l’artiste » d’aborder l’importance que revêt la communication visuelle en temps de crises et de luttes depuis les revendications de type « gender » jusqu’à des situations de propagande politique. On l’aura compris, l’ADN de Fronts & Frontières est tout entier inscrit dans ces multiples croisements de trois lignes qui ne cessent de se compléter ou s’opposer suivant les problématiques envisagées.
Enfin, Fronts & Frontières entretient avec l’Institut, un authentique rapport historique puisque comme unité structurante de notre recherche/création, elle touche à la fois à notre héritage ouvrier et la critique politique qui s’est construite de Fourier ou Proudhon, tous deux natifs de Besançon, à Lip voire même à Jean-Luc Lagarce, autre natif bisontin. Mais aussi, à la tradition moderniste de l’école dont l’architecture faut pensé par José-Luis Sert, où Charlotte Perriand a créé et enseigné « l’Esthétique Industrielle » qui se proposait déjà en terme de disciplines enseignées de « brouiller les pistes ». C’est dans cet esprit que le workshop organisé chaque année par Gilles Picouet et Géraldine Pastor Lloret en proposant aux étudiants de sortir hors les murs pour se confronter à des réalités extérieures très ancrées territorialement (friches abandonnées, village rural, entreprises privées, institutions publiques ou monuments historiques) est un apport essentiel à notre réflexion critique. Les étudiants dès la troisième année et surtout en années de Master (4 et 5) trouvent donc un champ à la fois déterminé mais ouvert qui leur est accessible par de nombreuses portes et chemins considérant que l’entrée importe finalement autant que l’énergie qu’ils vont trouver et déployer dans ces recherches créations qui fondent aujourd’hui notre réputation. C’est aussi elle qui nous a permis de réfléchir en matière de complémentarité avec nos deux écoles fédérées de la Grande Région avec qui nous formons une plateforme pédagogique et de recherche : EMA-Fructidor de Châlon et l’École nationale supérieure d’art de Dijon.