Institut Supérieur des Beaux-Arts de Besançon
Une archive photographique marocaine de l’indépendance à l’avènement du numérique

Le Maroc a été intensément photographié à la fin du XIXe et dans la première moitié du XXe siècle. Nombreuses sont les collections et éditions qui ont mis en valeur ces fonds photographiques qui s’arrêtent, le plus souvent, à la fin des années 1950, au moment de l’indépendance (Maison de la Photographie de Marrakech, Fondation Arabe pour l’Image).
La plupart de ces fonds rassemblent des clichés réalisés principalement par des Français, des Espagnols, des Anglais et des Américains. On y retrouve essentiellement quatre genres : pittoresque, nus académiques, architectures et portraits de rue (OBS NEO FILM par exemple).
Les premiers studios ont été fondés par des photographes issus des communautés coloniales ou bien de la communauté juive marocaine. Ils seront souvent repris par des familles marocaines. Dès les années 1960, une nouvelle génération d’artistes apparaît, mais ce n’est que dans les années 1990 et 2000 que la photographie d’art commence à émerger. Si l’on regarde l’histoire de la photographie marocaine, il semblerait qu’il y ait un « trou », de 1956 jusqu’au début du XXIe siècle.

La question qui nous intéresse est donc de savoir quelles pratiques photographiques ont eu lieu au Maroc de 1956 aux premières années du XXIe siècle. Certains sites Internet proposent déjà quelques mises en commun de clichés, souvenirs de juifs marocains exilés (darna.com), du monde arabe en général (zamaaanawal.tumblr), de natifs d’Essaouira (taghartmogadorsouira. forumactif.org).
Nous avons donc constitué un groupe de recherche afin d’identifier des fonds photographiques marocains de cette période pouvant avoir un intérêt – sociologique, artistique ou historique –, puis de les rassembler après les avoir numérisés. Bien que l’utilisation de la photographie soit très commune actuellement, elle se cantonne généralement dans l’espace public à trois types d’images : touristiques, publicitaires ou royales. Aussi, le passage à la photographie numérique voici une quinzaine d’années rend-t-il cette recherche nécessaire et urgente. Il semblerait en effet que beaucoup de studios et de propriétaires de fonds de négatifs argentiques photographiques se séparent ou même détruisent ces archives, faute de possibilités d’utilisation ; la numérisation étant coûteuse et le développement argentique ayant souvent disparu.
À l’image des pratiques artistiques développées par les fondateurs de la Fondation Arabe pour l’Image à Beyrouth, ce projet est principalement développé par des artistes, des chercheurs et des étudiants en art. La subjectivité du regard artistique sur des productions historiques étant à notre avis un rempart contre toute volonté de « faire histoire » et ainsi d’éviter la figure dictatoriale potentielle des archives nationales. Ce travail de recherche prendra une dimension pédagogique à la fois dans sa réflexion sur les images, la recherche de leurs qualités, de leurs spécificités, mais aussi sur la pratique curatoriale et éditoriale et ce par le biais du développement d’une politique d’exposition internationale et d’éditions.
Le travail de recherche d’archives se fera par l’équipe de recherche accompagnée d’étudiants qui, pour l’occasion, pourront aller à la rencontre des photographes ou de leurs ayants droit, tant au Maroc que dans les pays d’émigration (France, Belgique, Pays-Bas, Canada etc.). Ce travail permettra de développer une méthodologie et une réflexion poussées sur l’image et l’archive. Les étudiants et artistes invités pouvant à partir de cette archive constituer de nouvelles œuvres, publications, films, expositions ou éditions. Aussi, des ateliers pédagogiques autour de ces fonds d’archives contemporaines marocaines pourront être mis en place tant au Maroc qu’à l’étranger afin de, potentiellement, créer une réflexion sur les changements sociétaux et de livrer d’autres images.

L’équipe de recherche accompagnée d’étudiants français et marocains, de jeunes chercheurs et d’artistes s’est réunie à Casablanca fin novembre 2016 afin de définir les enjeux de ce travail de recherche, la méthodologie à suivre et les axes de développements potentiels.

- réflexion et définition d’un « chapitrage » pour l’archivage et le mode de référencement des clichés avec possibilité d’inclure des fonds indépendants dans ce fonds.

- volonté de développer un site de partage de photographie et contacts avec d’autres existants

- identification d’autres partenaires potentiels : dépôt du fonds, aide à la numérisation, institutionnels

- travailler sur la biographie des photographes, les inscrire dans un contexte. Récolter des fragments de mémoires, prendre en considération l’archivage et le stockage de la photo par les photographes eux-mêmes.

- à moyen terme, nous aimerions développer un site d’archivage avec l’université d’Aix-en-Provence sur le modèle de celui développer par Abdelmajid Arrif sur les cultures méditerranéenne.

ÉQUIPE DE RECHERCHE
Philippe Terrier-Hermann
artiste et cinéaste, professeur à l’ISBA Besançon et l’ENSAV Bruxelles,
Léa Morin
chercheuse et directrice de l’Atelier de l’Observatoire à Casablanca et membre de MOHO,
Mohammed Fariji
artiste et co-fondateur de l’Atelier de l’Observatoire à Casablanca
Abdelmajid Arrif
docteur en anthropologie, Université d’Aix-Marseille
Marie Moignard
historienne de la photo marocaine et rédactrice de la revue Diptyk, Casablanca
a revue Diptyk, Casablanca

copyright : Fondation arabe pour l’image, Beyrouth


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