Institut Supérieur des Beaux-Arts de Besançon
Exposition // L’Art Contemporain peut-il être une fête ?

DU SAMEDI 23 SEPTEMBRE AU SAMEDI 25 NOVEMBRE 2017.
L’Aspirateur, centre d’art contemporain de Narbonne.
Vernissage le samedi 23 septembre, 11H00.

Artistes :
Guillaume André, Pierre Balandier, Claude Boudeau, Adrien Colin, Gérald Colomb, Amandine Courtois, Nicolas Daubanes, Marjolijn Dijkman, Thomas Fontaine, Magdalena Gerber, Per Hüttner, Jo Errant, King’s Queer, Justyna Koeke, Adeline Leprêtre, Marie Minary, Monsieur Bidule, Frédéric Nauczyciel, Nushy Soup, Thomas Perrin, Florence Picard, Collectif RADA, Lois Renou & Rodrigue Guillot-Cressant, Romuald & PJ, Anna Schuster & Sara Focke-Levin, Jérôme Vaspard, Jean-Luc Verna, Didier Viodé, Dana Wyse, Lulu Zhang.

Commissariat : Laurent Devèze, Julien Cadoret, Jérôme Vaspard.

Le troisième terme de notre triptyque trouve sa légitimité dans la suite logique des problématiques soulevées les années précédentes.
Si l’art n’est pas du luxe, comprenons une capacité à produire des objets manufacturés à forte valeur ajoutée ou spéculative, alors son auteur produit moins qu’il ne remplit une fonction. « L’artiste est-il un chamane ? » explorait cette possibilité sous un angle magique et sacré.
Mais si l’art n’est pas totalement solvable dans l’industrie du luxe et que l’artiste a plus à voir avec un sorcier, une sorte d’« entremetteur » métaphysique, qu’avec un « producteur » au sens réducteur et seulement économique
du terme, alors, qu’elle pourrait être la diffusion de ses créations sinon des fêtes précisément ? Sabbat ou rave c’est selon...
Ainsi allons-nous nous intéresser en ce dernier volet aux formes que pourraient prendre cette fête de l’art que Filliou appelait de ses vœux et qui devrait, comme le fameux chapeau-galerie, nous permettre de mettre
en avant le partage et la générosité d’un acte créateur trop souvent vécu comme seulement provocateur ou comme un élément clivant de distinction sociale.
La fête est partage, retrouvailles et bombance, générosité dionysiaque et tables renversées, car elle doit plus à l’arrivée d’Alcibiade au terme du « Banquet » qu’au tombeau immaculé du « white cube » des lieux institutionnels de l’art, devenus souvent trop apolliniens pour être honnêtes.
Mais la fête n’est pas seulement l’ivresse des profondeurs de l’amitié,
elle estaussisaproprenostalgie.ErosunefoisencorecôtoieThanatosettout festin porte en lui les stigmates de son temps d’après. De ce temps des nappes qu’on met au sale et des cendriers qu’on vide. Mélancolie ou prémoni- tion de cette finitude qui donne à la fête sa magie instantanée et sa profon- deur existentielle.
Plaisir qui ne dure qu’un moment comme dans la chanson classique éponyme et qui le sait.
Conscience de la fin de la fête qui nous habite souvent comme ce regard toujours un peu rétrospectif qu’on porte nécessairement sur elle, comme si elle ne se laissait jamais prendre, sauf en s’en abstrayant, « sur le vif ».
Plus encore que cette position de retrait qu’occupe l’artiste dans la mise à distance de son sujet devenu objet de sa représentation ou de son évocation, la fête évoque aussi le tourbillon récurent du monde, la nécessaire
inversion carnavalesque des valeurs établies, seule garante de la respiration de la jeunesse frondeuse de la Cité qui, sans cette soupape, risquerait
de se faire convulsive.
Inversion, travestissement, renversement, autant de thèmes qui se croisent nécessairement en cette évocation d’un temps et d’un lieu spécial, d’une paren- thèse sacrée, d’une « épochè » comme le disaient les Stoïciens susceptible
de permettre, à l’abri de ses dates, le possible déferlement de la liberté.
Parfois cruelle, souvent nostalgique, la fête dont il est question ici est alors très éloignée de la niaiserie du divertissement et du loisir organisé, tant elle est bien plus articulée au cri qu’à la douceur de vivre entretenue, tant elle reste plus irrespectueuse que décrétée.
Ainsi, « l’art contemporain peut-il être une fête ? » emprunte-t-elle en ces temps anniversaire d’ « Acéphale » la revue et surtout la société secrète fondée par Georges Bataille, son sens le plus profond. L’exposition souligne volontiers en effet, cette part des corps qui exultent et se touchent ou s’embrassent, se flagellent ou s’endorment au plus sombre de nos sous-bois intimes.
La fête, ou plutôt les fêtes, dont il est question ici rejoignent les efforts
du « Black Forest Mountain College » héritier exilé du Bauhaus ou du
célèbre « Monte-Verita » de l’entre-deux guerres. La fête est alors l’utopie
de ceux qui croient encore en l’Homme, en sa joie du mélange, en sa volonté de communion et en sa ferveur toujours renaissante d’une joie partagée, d’une sorte de bacchanale du bonheur, insouciante peut être sauf à se soucier de laisser vraiment la parole au corps.
Être Acéphale est une posture qui ne cesse de crier le sérieux qu’il y a à perdre la tête, à enfin lâcher prise.
C’est à ce paradoxe de la fête que nous nous sommes attelés, fête déliée grâce à une scénographie volontiers joueuse et à des artistes complices qui laisseront nous l’espérons sincèrement les visiteurs acteurs de leurs propres découvertes et par là, aussi « émancipés » que festifs.
En somme nous n’avons qu’un souhait assumant aussi l’aspect révolution- naire de la formulation : que la fête commence !
L.D.


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